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Affichage des articles du décembre, 2023

Fragments d'Innsmouth 17 (32)

  Tandis que la conversation se poursuivait, Catherine eut bien du mal à garder sa contenance. William la regardait avec une intensité telle qu'elle la dérangeait. Il lui arrivait de temps à autre de sentir peser presque physiquement sur elle le poids de regards masculins, et même parfois féminins, mais c'était la première fois qu'elle se sentait l'objet d'une telle attention, d'une telle convoitise. Elle ne savait trop que faire et se trouvait tour à tour comme statufiée puis prise d'une agitation qui lui faisait esquisser des gestes d'esquive. Soudain, l'étau se desserra. L'étudiant américain venait de sortir son téléphone, à la recherche d'une page sur la toile. Tentait-il de cacher quelque chose ou Catherine avait-elle mal interprété son attitude ? -Tiens, regarde. Sur l'écran, elle vit défiler un diaporama. Les photos qui se succédaient montraient de petites rues en pente, des maisons pimpantes couvertes de bardeaux aux couleu

Fragments d'Innsmouth 16 (31)

  L'entretien qu'elle eut avec William à la cafétéria se révéla bien plus curieux. Il était déjà attablé dans la petite salle quand elle le rejoignit à l'heure dont ils avaient convenu durant le dîner de la veille : -J'ai parcouru tes articles, hier soir. J'aurais bien aimé les étudier de près mais je n'en ai pas eu le temps. -Ça, je peux le comprendre. J'étais épuisé, moi aussi. Soupçonnant que le jeune homme prenait la chose avec plus de dépit qu'il n'en affichait, Catherine lui expliqua rapidement ce qui lui était arrivé. Quand elle eut achevé son récit, le sourire de William était devenu plus naturel. -Oui, c'est normal que la police ne fasse rien. Chez moi aussi, ils préfèrent attendre que tu sois mort pour prendre ta plainte au sérieux. -Enfin, malgré cela, j'ai eu le temps de voir que les livres avaient une suite que je n'ai jamais vue mentionnée nulle part. Tu peux m'en dire plus ? -D'abord, le livre est comp

Fragments d'Innsmouth 15 (30)

  Une fois de retour, ce fut en se déchaussant qu'elle vit qu'une enveloppe d'un grand format avait été glissée sous sa porte. Elle l'ouvrit immédiatement pour en tirer une feuille sur laquelle on avait écrit en lettres capitales : « ON SAIT QUI TU ES SALOPE FASCISTE ». Atterrée, elle tira également de l'enveloppe quelques agrandissements de photographies mal imprimés. Les scrutant tour à tour, elle se vit à la sortie de son immeuble, à l'entrée d'une bouche de métro, devant la maison de son père et en train de parler avec un gendarme lors de la manifestation de Green Eons. Soudain fébrile, elle appuya sur la clenche pour vérifier que la porte était bien fermée puis s'installa devant la table de la cuisine, les photos posées devant elle. Allons, son père ne lui en voudrait sans doute pas, même à cette heure ! Son ton ensommeillé lui fit aussitôt regretter de l'avoir appelé mais, puisque le mal était fait, elle lui raconta tout : -Appelle la po

Fragments d'Innsmouth 14 (29)

  Ce fut en entrant dans le bureau du professeur qu'elle vit que ce dernier n'était pas seul. Les deux hommes se levèrent et, comme on l'invitait à s'asseoir, elle prit place à côté de William Matherson. -D'abord, la meilleure nouvelle, déclara son directeur de recherches. Tu vas enfin avoir un vrai budget même si son montant définitif m'est inconnu. Il faudra que tu voies ça avec la comptabilité mais j'ai cru comprendre que tu allais pouvoir demander un assistant et nous avons déjà quelques candidats en vue... Que se passe-t-il ? -Comment cela ? -Pourquoi souris-tu ainsi ? -Non, ce n'est rien. Je viens juste de me souvenir d'une remarque de Gisèle. -Bon. Où en étais-je ? Ah, oui. Il va tout de même falloir que tu te fendes de quelques articles. Ils veulent du grain à moudre. Ne t'affole pas pour ça, ton dernier rapport constitue une bonne base. Envoie m'en deux au plus vite, dont un en Anglais. Je les relirai et les transmettrai à

Fragments d'Innsmouth 13 (28)

  Elle finit par se retrouver devant l'entrée de la bibliothèque de l'institut et s'y réfugia. Dans le hall, la responsable des archives, Gisèle Ponier, était en train d'ouvrir du courrier avant de le répartir entre des casiers et la poubelle qui était déjà aux trois quarts pleine. -Catherine ! Alors, ce grand oral, ça s'est bien passé ? -Je n'en sais rien, à vrai dire. Ils sont en train de parler d'argent. -Oui, c'est toujours là que les choses se gâtent. Avec sa vivacité coutumière, la petite femme un peu boulotte se leva pour venir l'embrasser. Elle était vêtue d'une robe à fleurs comme chaque jour que Dieu faisait, sa seule concession aux variations de température étant la nature de ses chaussures à talons plats. Gisèle Ponier était sans doute la principale ressource de l'institut et le savait parfaitement, n'en faisant parfois qu'à sa tête et ne ménageant aucun ego lorsqu'elle avait pris une décision. Son incroyab

Fragments d'Innsmouth 12 (27)

  Après l'avoir essuyé à l'aide d'un mouchoir en papier, Catherine s'assit sur un banc en béton et posa à côté d'elle sa sacoche contenant ses notes. Elle était en avance et la présentation de son projet n'allait débuter que dans un peu moins d'une heure. Elle avait donc choisi de prendre un peu l'air et patientait dans la cour intérieur de l'institut Hohenheim. Son regard s'installa un instant sur les murs sales du bâtiment typique de l'architecture des années 70. C'était un assemblage de cubes de tailles diverses aux fenêtres nombreuses et monotones reliés par des passerelles couvertes. Ici, tout n 'était qu'angles. En le regardant, on ne pouvait pas s'empêcher de penser à un vieux collège bâti selon les plans d'un architecte à l'imagination aussi rigide qu'un règlement administratif. Catherine avait vu des photos de la maison-mère de la fondation qui se trouvait à Berne et elle aussi faisait penser à un bâtim